Pour un meilleur brainstorming Mag
Ce numéro du Harvard Business School parle exactement de ma démarche : Partir des questions et non des réponses. Je n’ai pas l’habitude de consulter les revues de management. Je n’aurais pas imaginé que nos démarches puissent être si proches.
Pour trouver des idées innovantes, concentrez-vous sur les Questions, pas sur les Réponses.
Retour en arrière : il y a environ vingt ans, je dirigeais une séance de brainstorming dans un cours de MBA dont j’étais chargé et j’avais l’impression de pédaler dans la semoule. Nous discutions d’un thème avec lequel de nombreuses organisations se débattent : comment construire une culture de l’égalité dans un environnement majoritairement masculin ? Bien que ce fût un problème important aux yeux des étudiants, ils n’étaient de toute évidence pas inspirés par les idées qu’ils émettaient. Après moult discussions, le niveau d’énergie dans la salle frôlait le néant. Jetant un œil à l’horloge, je décidai de nous donner au moins un point de départ pour la session suivante, et d’improviser :
« Ecoutez, arrêtons de chercher des réponses pour aujourd’hui et trouvons simplement de nouvelles questions que nous pourrions nous poser concernant ce problème. Voyons combien nous pouvons en écrire avant la fin du cours. » Les étudiants commencèrent consciencieusement à poser des questions et je les écrivis sur un tableau noir, réorientant quiconque se mettait à suggérer des réponses. A ma grande surprise, la salle fut rapidement dynamisée. A la fin de la séance, les élèves quittèrent la classe en discutant de manière passionnée de quelques questions qui avaient émergé (de celles qui remettaient en cause des hypothèses basiques que nous avions faites). Par exemple : y avait-il des efforts fournis au bas de l’échelle que nous pourrions soutenir, plutôt que de transmettre des règles depuis le haut ? Et aussi : que pourrions-nous apprendre de certains départements de notre propre organisation qui avaient réussi à instaurer une réelle égalité, au lieu de chercher machinalement de meilleures pratiques ailleurs ? Tout à coup, il y avait bien plus de matière à débattre, car nous avions trouvé des moyens inattendus capables de mener à des solutions potentielles.
Jusqu’alors, je n’avais jamais tenté l’expérience de me creuser les méninges à la recherche de questions plutôt que de réponses. Cela m’est venu sur le moment, probablement parce que je venais de lire les premiers travaux du sociologue Parker Palmer sur les découvertes créatives dues à des questions ouvertes et honnêtes. Mais cette technique fonctionna si bien avec les étudiants que je commençai à l’expérimenter lors de mes missions de conseil et, finalement, elle devint une méthodologie que je continue d’affiner. Au moment où je vous parle, je l’ai utilisée avec des centaines de clients, y compris avec des équipes travaillant dans des multinationales comme Chanel, Danone, Disney, EY, Fidelity, Genentech, Salesforce et avec des dizaines d’autres entreprises ou d’organisations à but non lucratif ainsi qu’avec des leaders que j’ai coachés.
A l’origine de cette approche, il y a une reconnaissance plus large du fait que de nouvelles questions engendrent souvent de nouvelles (et parfois significatives) idées. Réfléchissez à cet exemple tiré du domaine de la psychologie : avant 1998, pratiquement tous les psychologues aguerris s’occupaient d’attaquer les troubles et déficits mentaux à la racine, partant de l’hypothèse que le bien-être découlait de l’absence de ces états négatifs. Mais ensuite, Martin Seligman devint président de l’American Psychological Association (APA) et changea le point de vue de ses collègues. « Et si, demanda-t-il lors d’un discours à la réunion annuelle de l’APA, le bien-être était simplement déterminé par la présence de certains états positifs – des solutions permettant de se développer qui pourraient être reconnues, mesurées et cultivées ? » Cette question lança le mouvement de la psychologie positive.
Brainstormer en cherchant des questions plutôt que des réponses permet plus facilement de dépasser des biais cognitifs et de s’aventurer en terrain inconnu. Nous avons observé cette dynamique dans des études académiques – dans les recherches du spécialiste de la psychologie sociale, Adam Galinsky, sur le pouvoir de la reformulation en période de transition, par exemple. Pourtant, s’attarder sur un mode interrogateur ne vient pas naturellement à la plupart des gens, parce que nous sommes conditionnés dès le plus jeune âge à ne produire constamment que des réponses.